Manifeste
Les questions écologiques traversent de plus en plus la société, en France comme ailleurs. Elles résonnent dans le débat public, modifient la vie quotidienne, transforment les rôles de chacun, du scientifique à l’entrepreneur, en passant par les responsables politiques. Relation à la Nature et au progrès, construction des villes et aménagement des territoires, cause animale, modes de vie et relations entre générations, l’écologie embrasse une grande diversité de thèmes et d’expressions. Elle joue un rôle essentiel lorsqu’il s’agit d’imaginer un avenir au monde, fait partie de nos vies. Elle est une source d’inspiration, d’engagement, de réalisations. Mais des obstacles économiques et psychologiques freinent cette traversée. Pour reprendre la formule de Jean-Pierre Dupuy, nous ne croyons pas ce que nous savons, et la raison ne peut pas tout, surtout quand la « post-vérité » permet d’élire Donald Trump. La politique, l’information et la science ne s’adressent qu’à une partie de la nature humaine et ignorent largement d’autres ressorts, la sensibilité, l’émotion, l’empathie spontanée.
Dans ces élans, la littérature occupe une place à part. Elle permet, sans doute encore plus que d’autres formes d’expression artistiques, d’associer la quête intime, les rêves et l’invention du monde. Les grands auteurs de science-fiction étaient-ils les précurseurs du catastrophisme ? Romain Gary ou Nabokov portaient-ils déjà une préoccupation écologiste ? Oui à leur manière. Le roman d’écologie est aussi roman d’anticipation, des relations familiales, du paysage, ou roman social. Comme le projet écologique s’articule avec la question sociale, économique ou démocratique, le roman d’écologie nous donne à voir la condition humaine et son enchevêtrement avec le monde qui l’entoure sous un jour nouveau, avec d’autres horizons.
Au travail de conviction par la preuve, toujours indispensable, doit s’ajouter la persuasion par la puissance de l’œuvre artistique. La littérature et son genre le plus populaire, le roman, y ont une place centrale. Le roman est un puissant moyen d’irriguer les imaginaires, d’ouvrir des perspectives, de mettre en récit. Depuis Homère ou Ovide, la nature est bien sûr un élément éternel du récit. Mais à nos yeux un roman d’écologie ne prend la nature comme décor, mais prend l’homme comme partie d’un tout qui le dépasse, pour le meilleur et pour le pire. Transcendant les plans purement psychologique ou historique, il pose la question des limites entre l’humain et le non-humain, du rapport des civilisations humaines au temps, à l’espace, à l’animal, à la démesure technicienne. Il crée une distanciation salutaire, élargit nos sens, bouscule l’anthropocentrisme en replaçant nos destins dans leurs milieux.
Ecofiction, écothriller, dystopie, célébration des paysages, ressourçant ou angoissant : sans devoir être militant ou engagé, un roman d’écologie peut relever de l’écologie scientifique, politique, humaine, sociale: c’est par ses qualités littéraires éminentes qu’il touche, qu’il révèle et donne de nouvelles raisons d’agir.